Une distillerie historique de Trinité-et-Tobago
Fondée en 1918 à Trinité-et-Tobago, la distillerie Caroni devient rapidement un pilier de l’industrie locale du rhum. Sous domination britannique à l’époque, elle se distingue par l’intégration de sa propre sucrerie — un modèle rare — lui permettant de produire sa propre mélasse. Cette autonomie assure une qualité constante et une indépendance unique dans la région.
L’ère Tate & Lyle et l’âge d’or du rhum Caroni
En 1936, Caroni est rachetée par le géant britannique Tate & Lyle, après la fusion de deux entreprises rivales. Elle se spécialise alors dans la production de rhums aromatiques destinés aux assemblages. Quelques embouteillages, signés Tate & Lyle, voient le jour, devenant plus tard des références cultes — notamment l’édition “Replica”, célébrant les 100 ans de la distillerie.
Déclin progressif et fermeture
À partir des années 1970, Caroni entre dans une phase de déclin. L’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté Économique Européenne et les accords de Lomé restreignent les importations de sucre, rendant l’activité moins rentable. Tate & Lyle se désengage progressivement : 51 % des parts sont cédées en 1970, puis la totalité en 1975 à l’État indépendant de Trinité-et-Tobago. La distillerie devient Caroni Limited (1975), mais ses difficultés financières persistent.
La fermeture définitive survient en 2002 pour la sucrerie, puis en 2003 pour la distillerie, entraînant la perte de 13 000 emplois.
La redécouverte par Velier
En 2004, Luca Gargano, PDG de Velier, se rend sur les lieux avec le photographe Fredi Marcarini, dans le cadre d’un projet éditorial. Ils découvrent un site à l’abandon, au charme post-apocalyptique, mais riche de mémoire.
À leur grande surprise, le chai n°1 renferme encore des centaines de fûts de rhum, dont des millésimes rares des années 1980.
Le renouveau d’une légende
Luca Gargano saisit l’occasion et acquiert les fûts les plus anciens, notamment ceux de 1982, 1983 et 1985. Entre 2006 et 2011, il complète cette collection avec 1 388 fûts supplémentaires, tous laissés à vieillir sous climat tropical. Ces trésors donnent naissance à une série d’éditions limitées, devenues cultes dans l’univers du rhum.
Caroni Paradise : l’hommage ultime
En 2019, la légende se poursuit avec Caroni Paradise, une sélection exceptionnelle issue des 136 fûts restants. Lors d’une cérémonie à Cognac, un cercle restreint d’experts sélectionne les 23 meilleurs fûts pour créer cette cuvée hommage, ultime expression de l’âme Caroni.
Un patrimoine préservé
Au total, près de 1 600 fûts auront été rachetés par Velier. Environ 700 fûts auront disparu sous forme de “part des anges”, renforçant encore le mythe.
Caroni s’impose aujourd’hui comme un symbole de résilience et de préservation du patrimoine rhumier. Ses embouteillages comptent parmi les plus recherchés au monde.